La forte baisse des échanges bilatéraux signale une séparation économique à long terme
Les liens économiques de l'Allemagne avec la Russie ont connu un effondrement historique depuis le début de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine. De nouvelles données publiées par l'Office fédéral de la statistique en 2025 confirment que les importations en provenance de Russie ont chuté de 95 % par rapport aux niveaux d'avant-guerre, une chute spectaculaire qui met en évidence l'impact durable des tensions géopolitiques et des sanctions généralisées.
En 2024, l'Allemagne n'a importé que 1.8 milliard d'euros de marchandises en provenance de Russie. Ce chiffre contraste fortement avec celui de 2021, dernière année complète avant l'invasion russe de l'Ukraine, où les importations s'élevaient à 33.1 milliards d'euros. La Russie, autrefois un fournisseur majeur, notamment dans le secteur énergétique, est aujourd'hui devenue quasiment insignifiante dans le portefeuille d'importations de l'Allemagne. De fait, la part de la Russie dans les importations totales de l'Allemagne est tombée à seulement 0.1 % en 2024, contre 2.8 % en 2021.
Les sanctions et les changements de politique entraînent l'effondrement
La forte contraction des échanges commerciaux résulte en grande partie des 17 séries de sanctions imposées par l'Union européenne depuis début 2022. Ces mesures comprennent l'interdiction d'importer certaines catégories de biens russes, notamment les combustibles fossiles, ainsi que des restrictions à l'exportation de technologies industrielles et à double usage vers la Russie. Des sanctions supplémentaires ont visé le secteur financier russe, limitant l'accès aux marchés de capitaux européens et excluant les banques russes du système de paiement SWIFT.
Si les importations ont connu la baisse la plus spectaculaire, les exportations allemandes vers la Russie ont également fortement chuté. En 2024, l'Allemagne a exporté pour 7.6 milliards d'euros de marchandises vers la Russie, soit une baisse de 71.6 % par rapport aux 26.6 milliards d'euros enregistrés en 2021. Les restrictions ont touché des secteurs clés tels que les machines, les composants automobiles et les outils industriels, avec des interdictions d'exportation sur des articles jugés essentiels aux capacités militaires et de production énergétique de la Russie.
Inversion commerciale : d'un déficit record à un excédent d'exportation
La restructuration des flux commerciaux a entraîné une évolution financière notable pour l'Allemagne. En 2024, l'Allemagne a enregistré son plus fort excédent commercial avec la Russie depuis la dissolution de l'Union soviétique en 1991. Les exportations ont dépassé les importations de 5.8 milliards d'euros. C'était seulement la quatrième fois dans l'histoire post-soviétique que l'Allemagne enregistrait un excédent commercial avec la Russie, après des événements similaires en 1993, 2020 et 2023.
Il s'agit d'un revirement radical par rapport à 2022, année du début de la guerre, où l'Allemagne avait enregistré un déficit commercial record de 21.8 milliards d'euros avec la Russie. À cette époque, les prix de l'énergie avaient flambé à l'échelle mondiale et les importations allemandes restantes, notamment de pétrole et de gaz, avaient explosé en valeur, malgré la baisse des volumes d'exportation due aux sanctions précoces.
Le réalignement économique de l'Allemagne pour s'affranchir de la dépendance russe
L'effondrement des échanges commerciaux met en évidence un changement économique et stratégique plus large dans la politique commerciale internationale de l'Allemagne. Le pays, autrefois fortement dépendant du gaz russe, a diversifié ses sources d'énergie et restructuré ses chaînes d'approvisionnement. Les responsables allemands ont souligné l'importance de réduire la dépendance économique à l'égard des régimes autoritaires, notamment en ce qui concerne les infrastructures et les matières premières essentielles.
Cette évolution se reflète au niveau européen. Dans l'ensemble de l'UE, les importations en provenance de Russie ont chuté de 78 % entre 2021 et 2024, passant de 163.6 milliards d'euros à 36 milliards d'euros. La part globale de la Russie dans les importations de l'UE est passée de 7.7 % à 1.5 % sur la même période, illustrant l'ampleur régionale du découplage. L'UE prépare actuellement un 18e train de sanctions, qui devrait inclure de nouvelles restrictions sur le commerce et la logistique maritime, notamment des mesures visant la « flotte fantôme » russe.
La rupture des relations commerciales a des conséquences à long terme
Si les perturbations à court terme ont été partiellement atténuées par des partenariats commerciaux alternatifs et des ajustements nationaux, les implications à long terme de cette rupture économique demeurent importantes. Le découplage de l'Allemagne avec la Russie n'est pas seulement une réponse à la guerre, mais s'inscrit dans une stratégie plus large visant à réduire les vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement mondiales.
L'impact n'est pas symétrique. La Russie a perdu un partenaire commercial européen majeur, tandis que l'Allemagne, malgré les chocs initiaux, a réorienté une grande partie de son infrastructure commerciale. Avec de nouvelles sanctions envisagées et aucune résolution du conflit en vue, la trajectoire descendante des échanges commerciaux germano-russes devrait se poursuivre.